Etude du virus de la grippe espagnole par la communauté scientifique


    Depuis la survenue de la pandémie de grippe espagnole, les chercheurs du monde entier ont tenté de percer le secret de ce tueur de masse qui n'a pas pu être étudié à l'époque, faute de moyens techniques. Mais ils ont été confrontés à une difficulté majeure : la disparition du virus d'origine qui sévissait à l'époque. Certes, certains virus circulant aujourd'hui (comme celui de la grippe saisonnière de type A/H1N1 circulant jusqu'à l'année dernière) ou dans les années qui ont suivi la pandémie sont issus de cette souche. Ils ont cependant subi de nombreuses mutations trop importantes et inconnues pour pouvoir étudier la structure et le génome de celui de la grippe espagnole. Les chercheurs ont donc été obligés de retrouver le virus d'origine. Ce virus, avait bien évidemment disparu des dépouilles des malades de l'époque. Les chercheurs ont alors tenté de retrouver sa trace dans des cadavres d'individus décédés dans des régions froides de la planète. En effet, dû aux très faibles températures qui sont constantes dans ces partie du globe, le permafrost (sol gelé tout au long de l'année) conserve les corps des victimes, les empêchant de se décomposer et laissant le virus figé dans le temps.

     En 1951, l'armée Américaine se rend en Alaska dans le plus grand secret, déterre des corps, mais la mission est un échec: les corps étaient décomposés, cette décomposition, sûrement due à un dégel momentané du sol.

    En 1994, professeur dans les universités de Windsor et de Toronto, au Canada, qui s'intéresse à la climatologie et à la "géographie médicale", Kirsty Duncan, après avoir fait des essais auprès d'autres pays comme l'Islande qui en raison de son activité volcanique avait un sol avec des températures trop élevées, se tourne vers la Norvège et notamment les glaciers de Svalbard (dont Spitzberg est l'île principale). Le problème fut que son hôpital a été bombardé pendant la seconde guerre mondiale et que l'île n'est devenue norvégienne qu'en 1925, il n'y avait donc aucune archive. Heureusement, au sein d'une communauté locale de 1 100 habitants, elle rencontre Kjell Mork, historien. Il a conservé des registres de la compagnie minière de Longyearbyen, fondée en 1906. Y figurent les noms de sept mineurs morts de la grippe espagnole en 1918.

    En septembre 1918, sept jeunes pêcheurs et fermiers norvégiens embarquent sur le Forsete, à destination de Spitzberg, le dernier bateau avant que l'océan Arctique ne soit pris par les glaces. Les jeunes gens, âgés de 18 à 25 ans, veulent se faire un peu d'argent dans les mines de charbon. A bord, ils contractent le virus de la grippe espagnole. A peine arrivés, les voilà à l'hôpital. Moins de deux semaines après, Ole Kristoffersen, Magnus Gabrielsen, Hans Hansen, Tormod Albrigtsen, Johan Bjerk, William Henry Richardsen et Kristian Hansen sont morts et enterrés en catastrophe dans le petit cimetière de Longyearbyen.

     Kirsty compose son équipe : 18 chercheurs américains, canadiens, norvégiens, anglais, des virologues, biologistes, épidémiologistes et archéologues médicaux. Des mesures de sécurité ont été prises : même s'il n'y avait que très peu de chance que le virus réapparaisse, ils ne voulaient pas prendre le risque.
    Ils parviennent à prélever des tissus provenant des poumons, du cerveau, des reins de cinq mineurs bien conservés à 40 cm de la surface du sol.

    Cette découverte a permis une reconstitution d'une partie du génome de la grippe espagnole. En 2005, une équipe de chercheurs américains a réussi à recréer le virus grâce à une technique appelée « génétique inversée », créant des plasmides, qui sont des pseudo-virus de taille microscopique.  Les plasmides ont été par la suite  insérées dans des cellules de reins humains pour la dernière étape de la reconstruction du virus.

    « Une fois que les plasmides se retrouvent au sein des cellules, le virus s'assemble par lui-même », a dit Terrence Tumpey, scientifique de recherche pour le Centers for Disease Control qui a assemblé le virus. « Ça ne prend que quelques jours ». Le virus a alors été testé sur des souris (mourant toutes en moins de 6 jours) et sur des singes qui montraient les mêmes résultats que pour l'infection par les humains, c'est à dire la mort par d'importantes complications respiratoires.



 

  Taubenberger et d'autres chercheurs ont publié dans le passé les séquences de cinq des huit segments, mais elles n'expliquaient que la moitié de la composition du virus entier. Ce nouveau travail complète les informations à ce sujet. « Les trois nouveaux segments sont cruciaux afin d'expliquer comment le virus basé sur des oiseaux s'est adapté aux corps humains », a dit Taubenberger. Tumpey a aussi confirmé les caractéristiques aviaires du virus de 1918 en l'injectant dans un oiseau fertilisé. Il a détruit les oeufs, tout comme la grippe asiatique le provoque.

 

 

    Il a été prouvé l'importance du gène de l'hémagglutinine de la grippe espagnole dans la virulence du virus. Lorsque le gène codant pour l'hémagglutinine a été remplacé, le virus était inoffensif. « Les propriétés génétiques de la grippe espagnole pourraient expliquer pourquoi il pouvait demeurer plus longtemps dans le poumon des humains que tout autre virus de type grippal, causant la noyade », a dit Tumpey. Cette noyade dont parle le professeur est en fait l'accumulation de cytokine (cf. origine de la grippe espagnole et ses complications) dans les poumons à cause de la réaction immunitaire excessive. Cela représentait  la plus grande cause de mortalité par la grippe espagnole. On sait aujourd'hui que cela est dû à un gène RIG-1 que le virus rendait inopérant, entraînant une débandade du système immunitaire.


    Cette découverte est le sujet de plusieurs études qui cherchent à trouver des composants qui pourraient bloquer l'action des cytokines spécifiques afin de composer un antiviral qui pourrait aider à réduire la létalité des grandes pandémies de grippe.

    En effet, la grippe aviaire A/H5N1, a déjà infecté 267 personnes dont 161 y ont succombé dans les mêmes conditions que pour celles de la grippe espagnole, à cause de l'emballement du système immunitaire. Pour l'instant, heureusement, le virus n'infecte que très difficilement les humains mais les scientifiques craignent qu'une mutation du virus ne lui permettent de s'attaquer aux Hommes avec plus de facilité provoquant alors une grande pandémie comme celle de 1918.

 

    De nombreuses recherches sur le virus sont en cours. Elle sont motivées par la peur de nouvelles pandémies meurtrières, réactualisée par la pandémie de 2009.

    Comprendre ce qui a permis à la grippe espagnole d'être aussi meurtrière pourrait constituer une étape clé dans la prévention des futures épidémies.

    

 
 



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