Histoire de la grippe espagnole
La plus connue des grandes pandémies de grippe eut lieu à la fin de la Première guerre mondiale (1914-1918). Elle fut probablement l’épidémie la plus meurtrière de l’histoire. Surnommée "la grande tueuse", elle a fait plus de victimes en une seule année que la peste noire, qui a ravagé l’Europe de 1347 à 1351, en quatre ans. Malheureusement, peu de personnes à cette époque sont conscientes de la grippe et de ses conséquences.
Sa propagation est fulgurante : en trois jours, 70% des madrilènes sont atteints, dont le roi d’Espagne, Alphonse XIII. La guerre permet une diffusion importante avec les déplacements de soldats. Ils sont entassés dans des espaces restreints. En moins de trois mois, elle touche plusieurs pays et continents à la fois et en sept jours à peine, tous les états des Etats-Unis sont touchés.
La grippe espagnole doit son nom à la liberté de presse en Espagne, rare pays neutre non soumis à la censure militaire en vigueur chez les belligérants de la 1ère guerre mondiale. Les raisons de l'indifférence des autres pays sont principalement militaires. Les gouvernements refusaient de dévoiler les cas de grippe espagnole afin de ne pas montrer à l’ennemi l’affaiblissement de l’armée. Les autorités sanitaires utilisent des codes pour communiquer : à chaque pathologie, est assimilé un numéro. La grippe est alors la "maladie 11", plus que jamais présente dans les tranchées et les rapports de l'armée mais inconnue des civiles.
On sait désormais que l’épidémie est due à un virus A(H1N1), probablement transmis par des canards sauvages en Chine, sûrement à Canton, dès 1915, et transportée aux Etats-Unis par des immigrants. C’est dans ce pays que le virus a peut-être muté pour devenir un virus d’une virulence extrême. Les premiers malades sont signalés dans deux bases militaires du Kansas au printemps 1918, mais la mortalité est relativement faible. A partir de là, l’épidémie se propage rapidement sur tout le continent puis dans le monde entier avec les échanges et l'arrivée des troupes américaines.
En octobre 1918, la grippe a déjà fait près de 200 000 morts aux Etats-Unis. Certains exemples d’infections font froid dans le dos : à New York, quatre femmes, faisant parties d’un club de bridge, jouent ensemble jusqu’à onze heures du soir. Le lendemain, trois d’entre elles sont décédées. A Chicago, un homme part au travail en prenant son tramway habituel. Au sixième arrêt, il s’écroule, mort. En France, on dénombrera 250 000 morts entre juin 1918 et avril 1919 dus à la grippe espagnole. A Paris, un décès sur cinq est dû à ce virus.
La pandémie se décompose en deux vagues, en Europe : la première avec l’arrivée de combattants américains à Bordeaux en avril 1918, et leurs déplacements vers le front de la Somme (80). Les premiers cas sont signalés dans le nord, plus exactement dans une tranchée de Villers-sur-Coudun (60), dès la mi-avril. Cette première vague tue peu mais touche beaucoup de soldats et affaiblit énormément l'armée. La grippe s'étend en Espagne où elle touche 8 millions de personnes en deux mois.
En mai de la même année, se développe une seconde vague, à partir du port de Brest (29). La population civile est touchée dès le mois de juillet 1918. Les troupes françaises, britanniques, et américaines sont violemment touchées. Il y a apparition de nombreux cas sévères chez les jeunes adultes. La sévérité des cas amènent même les médecins à penser qu'il s'agit d'une "peste pulmonaire". Les services des hôpitaux sont rapidement encombrés. L'isolement n'est pas applicable. Les masques sont peu ou pas utilisés par les médecins et ils meurent les uns après les autres. La plupart des médecins sont réquisitionnés au front, délaissant les populations civiles.
Les statistiques officielles recenseront 210 900 morts en France, avec deux pics, l’un en octobre 1918, et le second en février-mars 1919. Cependant, les dernières recherches épidémiologiques recensent 408 000 décès réels en métropole. Mais à cause du climat de guerre et de la censure, les chiffres ne sont pas exacts. En effet, de nombreux décès sont dus au manque d'hygiène au froid, au manque de chauffage et à la pénurie, communs en période de guerre; et non à la grippe. La grippe semble secondaire par rapport à la guerre. La pandémie prend fin en 1920.
La propagation du virus est également due au retour des combattants dans leurs pays d’origine à partir du 11 novembre 1918. La grippe s'étend à toutes les colonies.
Entre le printemps, l'été, et l'automne 1918, le virus a muté. Il devient plus virulent et s'étend ainsi plus rapidement, passant de "tueur" à "tueur de masse".
La propagation de ce virus est également due à l'affaiblissement de la population, due notamment au manque de nourriture, à la fatigue et à la précarité de la médecine de l'époque.
Cette épidémie acheva le moral de la population. Après la guerre, l'épidémie de grippe est vue comme "l'assommoir final" chez les civils.
Son origine exacte reste méconnue et de nombreuses rumeurs existent à ce sujet. Certains Français disent même que le virus proviendrait de boîtes de conserve importées d'Espagne dans lesquels des agents allemands auraient introduit des microbes. Cette idée montre bien l'esprit de guerre consistant à diaboliser l'ennemi.
Policiers de Seattle (USA) portant des masques pour ce protéger de la grippe 1918
Personnes portant des masques pendant l'épidémie de 1918