Origine du virus et ses complications
 
 
    Le virus de la grippe espagnole est de type A et de sous-type H1N1.
 
    D’après des études récentes, il serait d’origine aviaire mais le « virus père » est pour l’instant de souche inconnue. Les scientifiques savent seulement qu’il avait une très forte virulence comme la plupart des virus aviaires et qu'il venait d'Asie.
 
    Les virus d’origine aviaire ne sont normalement pas transmissibles à l'Homme car les récepteurs des cellules humaines (acide sialique) n’y sont pas adaptés. Son antigène de surface Ha ne lui permet pas d'infecter des cellules humaines de manière efficace. (C’est avec l’hémagglutinine que s’effectue la fixation à la cellule hôte ==> cf. 'Infection de la cellule hôte par le virus').

Mais même si en contact des animaux malades, l’Homme peut être infecté, les infections interhumaines ne peuvent pas se produire car il n’y a pas de réplication au niveau des voies respiratoires supérieures mais seulement au niveau des alvéoles pulmonaires (d'où l'impossibilité de contagion par la toux).

Quand le virus arrive à s'introduire chez l'homme, il semblerait en effet plus actif dans les parties basses et plus chaudes des poumons que dans les parties supérieures du système respiratoire, tandis que chez les oiseaux, il évolue dans un environnement chaud et peut se multiplier suffisamment pour déclencher une infection.

Le virus "père" de la grippe espagnole, d'origine aviaire a donc subi des modifications dans sa structure permettant que se fasse
l'infection des cellules des voies respiratoires supérieures et donc la transmission interhumaine.


  Actuellement, il plane toujours des doutes sur le type de modifications qu'il a subi.

    Deux hypothèses sont envisagées:

    La première serait l'adaptation d'un virus aviaire à l'Homme.


Des mutations majeures se seraient produites sur le gène codant pour l'hémagglutinine, modifiant totalement sa structure.
Ainsi le virus se serait adapté aux récepteurs des cellules des voies respiratoires supérieures.
Mais d
es mutations viendraient aussi du gène codant pour le complexe PA,PB1,PB2. En effet, un complexe enzymatique PA,PB1,PB2 d'origine aviaire doit connaître un changement de 10 de ses acides aminés avant que le virus ne puisse se répliquer efficacement dans des cellules humaines: 4 de l'enzyme PA, un de l'enzyme PB1 et 5 de l'enzyme PB2. (d'après Taubenberger, 2005)

    La seconde serait la recombinaison d'un virus humain et porcin préexistant avec le virus aviaire, donnant lieu à un virus capable d'infecter les cellules humaines efficacement et ayant gardé la virulence du virus aviaire dont il provient. (selon Smith et coll)

  cf.
'les-variations-antigeniques'


    Mais, les découvertes des équipes du
MRC National Institute for Medical Research de Londres et du Howard Hugues Medical Institute for Medical Research de l’Université de Harvard, ont permis de constater la présence d’acides aminés du virus aviaire dans le site servant à la liaison de la protéine HA de la grippe espagnole avec le récepteur. Il y aurait donc eu un changement de la structure de la protéine, à l’occasion duquel elle aurait trouvé le moyen d’attaquer ces cellules humaines.
 
 
    Les découvertes scientifiques récentes penchent donc vers la théorie du passage d'un virus aviaire à l'Homme bien que l'autre ne soit pas écartée.
 
    Ainsi, l’Homme se trouve démuni face à ce nouveau virus dont les antigènes de surface ne sont pas connus par sa mémoire immunitaire.
 
 
    Les symptômes étaient les mêmes que pour ceux de la grippe normale ('Début brusque, température de 40°C pendant 24 à 48 Heures, céphalées violentes, courbatures musculaires généralisées ', décrit le docteur RAMOND, médecin-chef du premier secteur de la troisième région militaire française, dans son rapport de juin 1918).

 
    Cependant, les complications étaient plus fréquentes. cf. 'Les
symptômes, complications de la grippe et ses catégories à risque'. 

    En effet, elles étaient mortelles dans 4% des cas, soit environ 20 fois plus que pour les grippes "normales".

     Il  y avait  des cas de surinfections bactériennes. Elles ne sont cependant pas spécifique à cette grippe et peu répandues.

    Mais le taux de mortalité élevé  spécifiquement chez les jeunes est l’emballement du système immunitaire : le corps détruisait ses propres cellules en produisant en masse des cytokines, qui sont des substances solubles sécrétées par les cellules du système immunitaire ou les cellules des tissus, agissant à distance sur les cellules infectées pour en réguler l'activité et la fonction. Cf. Réponse et mémoire immunitaire. Ce fluide entraînait la destruction des tissus, provoquant une inflammation et une forte hémorragie à l'intérieur des poumons mais également dans l'appareil respiratoire (provoquant saignements de nez, rejet de sang par la bouche, mélange de cytokines et de sang envahissant les poumons,...). L'encombrement des voies respiratoires notamment des poumons provoquait l'asphyxie du malade.
Les patients mouraient généralement par étouffement, dû à une mauvaise oxygénation. Ils "se noyaient dans leur propre sang". Ceux qui allaient mourir étaient donc détectables dès le 3èmejour suivant l’arrivée des symptômes : ils avaient une cyanose héliotrope (leur visage devenait bleu). Il est même dit qu’il était devenu impossible de distinguer une personne de couleur noire d’une personne de couleur blanche. Cela vient d’un manque d’oxygénation. Leurs poumons devenaient blancs à la radio en quelques heures.

 
    Il y avait également beaucoup de morts par inflammation, également la conséquence de l'accumulation des cytokines.
    Ces inflammations pouvaient se faire au niveau de l'encéphale causant des troubles neurologiques : il y a eu une une importante vague de suicides parmi les malades, une vague de dépressions nerveuses, de crises de délire, d'hystérie, de comportements violents ou apathiques (absence de douleur).


    Mais on trouvait principalement  des inflammations au niveau pulmonaire (pneumopathies). Il y avait ainsi de nombreuses pneumonies, bronchopneumonies (inflammation des bronches, des bronchioles et des alvéoles pulmonaires) qui pouvaient être accompagnées d’hémorragies alvéolaires, mais également de pleurésies purulentes (inflammation de la plèvre, c'est-à-dire de la membrane recouvrant les poumons conduisant à l’écoulement de pus dans les poumons),…
Ces inflammations combinées avec l'hémorragie donnaient lieu à beaucoup de morts par pneumonie hémorragique.
 
    De nombreux scientifiques décrivent ces symptômes : "Les plus chanceux parvenaient alors à se rétablir, les autres commençaient à voir apparaître des taches brunâtres ou violettes sur leur visage, puis, alors qu’ils respiraient avec de plus en plus de difficultés, leurs pieds viraient au noir. La mort survenait rapidement mais non sans souffrance", souligne Jay WINTER, professeur d’histoire à l’université de Yale et spécialiste de la première guerre mondiale. Un étudiant en médecine de Pensylvanie, Isaac STAAR évoque également ces souffrances en 1918 : 'Après avoir suffoqué pendant plusieurs heures, les patients étaient pris de délire et devenaient incontinents. Nombreux étaient ceux qui mouraient en luttant pour libérer leurs voies respiratoires d’une écume teintée de sang qui jaillissait parfois de leur nez et de leur bouche '.
 
   De plus, les jeunes adultes étaient les plus touchés alors que lors d'une épidémie de grippe normale, ce sont les personnes âgées. Les scientifiques pensent que cela est dû, en plus de la réaction immunitaire démesurée spécifique à cette classe d'âge, particulièrement résistante, au fait qu'ils se déplacent plus (ce sont eux qui sont en particulier enrôlés dans l'armée) et vivent dans des milieux où ils côtoient de nombreuses personnes (tranchées, usines...). De plus, ce sont généralement eux qui sont au chevet des malades pour les soigner. Ce sont les forces vives de la nation. Ils ont ainsi plus de risques d'être contaminés. D'autre part, les personnes âgées étaient peut-être immunisées, ayant été auparavant contaminées par un virus proche.

 
   
 
 



Créer un site
Créer un site